Conférence prononcée par Ethel Côté, lors du congrès annuel du Conseil de la coopération de l’Ontario

ethel au CCOMerci du fond du cœur pour ce moment, quel privilège de me retrouver ici à vous parler de ce qui me passionne depuis plus de 30 ans : l’économie sociale!

Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais on ne peut plus jouer à l’autruche et se mettre la tête dans le sable…

Nous constatons que le nombre de personnes pauvres continue de croître, qu’il y a de plus en plus de catastrophes naturelles, …

Vous vous rappelez les indignés…  « Nous sommes les 99 % »  qui est devenu un slogan politique, qui a émergé du mouvement Occupy Wall Street : les indignés de tous les pays qui dénoncent les inégalités économiques et démocratiques.

Nous savons que notre mode de consommation ici affecte directement et indirectement les populations au Sud tout en en ayant aussi un impact sur la pollution, que les conflits armés sont nombreux et souvent ancrés par la quête de pouvoir et d’acquisition de ressources naturelles…

Nous ne pouvons plus fermer les yeux sur la corruption car elle est si près de nous. Nous vivons toujours à l’ombre de la crise financière récente, la violence persiste, ainsi que les inégalités…

 

L’économie sociale

Propose de changer de cap

De changer le système

De transformer le marché

De créer de la valeur sociale

D’améliorer les conditions de vie des communautés

De changer les habitudes, de changer nos habitudes

Et pour tout cela, nous avons besoin de travailler ensemble.

Et OUI

Nous avons besoin de travailler ensemble pour créer de la richesse collective…

L’économie sociale ce n’est pas un nouveau concept… Rappelons-nous un exemple que plusieurs connaissent … la première coopérative de Rochdale en Angleterre…

Plusieurs économistes s’entendent pour reconnaître qu’il n’y a pas qu’une économie et que l’économie est plurielle.

C’est pour cela que John Pierce a essayé d’illustrer cette économie plurielle.

Nous y retrouvons l’économie publique (gouvernements municipal, provincial, fédéral … jusqu’aux instances internationales),  l’économie privée (du très petit commerce, à la petite entreprise  jusqu’à la multinationale) et finalement l’économie sociale…  schéma proposé par John Pierce…

Même si l’économie sociale fait partie de notre vie de tous les jours depuis plus d’un siècle,  elle demeure un concept méconnu.

Saviez que l’économie sociale, à savoir les entreprises sociales sous toutes leurs formes incluant les coopératives, les mutuelles, les organisations sans but lucratif, représente entre 8 à 10% du PIB de notre économie nationale?

Saviez-vous que le taux de survie des entreprises collectives est plus élevé que celui des entreprises privées – de 64 à 67% des nouvelles coopératives sont encore actives 5 ans après leur constitution – comparativement à environ 30% pour les entreprises privées.  Statistiques Canada

L’économie sociale s’appuie sur une logique de solidarité …  l’union fait la force, la collaboration et l’ADN du changement.

L’économie sociale s’appuie sur une autre logique économique qui met la personne  au centre du développement et le rendement au profit de la communauté.

Toute la force et le potentiel de l’économie sociale reposent sur un ensemble d’outils (en développement, en financement, en investissement, etc.), de politiques publiques, de réseaux, de pratiques qui ont émergée et sont en émergence dans toutes les régions ontariennes et canadiennes comme à travers le monde.

L’économie sociale constitue une voie du présent et de l’avenir pour toutes nos communautés, toutes les collectivités, les sociétés et tous les peuples qui veulent prospérer tout en assurant la protection de leur identité (de leur langue, de leur culture, de leur patrimoine) et leur capacité de contrôler leur propre avenir.

Depuis des centaines d’années, en Ontario, en milieu minoritaire, nous avons lutté, et si ce n’est pas nous, ce sont nos grands-parents, nos voisins, les parents de nos collègues, les leaders et les bénévoles de notre milieu associatif et institutionnel qui ont lutté pour développer, créer, gérer et consolider nos organisations et institutions francophones, que cela soit les caisses populaires, les écoles, les centres culturels, les compagnies de théâtres, les collègues communautaires, les services de garde, les intermédiaires en développement économique comme le CCO et le CCRC, etc., … Mais saviez-vous que toutes ces institutions font partie de ce que nous appelons l’économie sociale?

Comme Alphonse Desjardins, membre de la Société de l’économie sociale de Montréal au moment qu’il a fondé la première caisse populaire à Lévis il y a plus de cent ans, …  plusieurs à tous les jours participent à la création et à la consolidation d’entreprises collectives.

On ne peut tout de même pas renier l’apport et l’envergure du mouvement coopératif canadien!!!! Et international !!!  des millions d’emplois, des milliards en ristourne…

C’est cette même logique qui est à la base de la création des entreprises d’économie sociale, des entreprises collectives – c’est à dire l’action citoyenne au cœur de l’économie, la mise en place et le développement d’entreprises qui créent de la richesse dont le rendement à long terme est investit dans nos communautés au lieu d’un rendement à court terme à des actionnaires extérieurs.

C’est cette logique qui a inspiré la création des premières coopératives et qui a inspiré l’expansion et l’enracinement du mouvement coopératif et maintenant des entreprises sociales en Ontario et partout au Canada comme ailleurs dans le monde.

C’est cette logique qui a mené à la création de milliers d’organisations sans but lucratif qui se sont développées dans un ensemble de secteurs = de la garde de la petite enfance aux loisirs, de la culture à l’éducation, de la haute technologie aux énergies renouvelables, de l’alimentaire au tourisme, de la santé et aux services sociaux et communautaires.

C’est cette logique qui est à la base du mouvement en faveur de l’entreprise sociale, qui sont des organisations sans but lucratif, qui vendent sur le marché des produits et des services et dont les surplus sont réinvestis dans leur mission – quel bon moyen de stabiliser ou encore développer notre capacité entrepreneuriale et notre autonomie financière tout en favorisant notre prise en charge économique.

La bonne nouvelle est que cette volonté de prise en charge citoyenne est au cœur de l’économie.

Vous vous rappelez nos villages qui espéraient le sauveur, la grande entreprise qui viendrait s’installer, créer des centaines d’emplois,  exploiter nos ressources – et quand les profits sont en chute, très rapidement ferme les portes, met le monde à pied, arrête leurs activités sans penser aux impacts..   tout en nous oubliant.

QUELQUES EXEMPLES QUI CHANGENT LE MONDE!!!

Inspirons-nous quelques instants du Groupe CONVEX.  Ces travailleurs sociaux, ces familles qui n’ont pas attendu le sauveur qui viendrait de l’extérieur pour créer des emplois pour des personnes marginalisées par le marché de l’emploi…  (1 clic)  CONVEX a agi, a créé plusieurs entreprises sociales, et une centaine d’emplois…  au cœur de Prescott Russell bien entouré d’une variété de partenaires.  (2e clic)  Un modèle qui en inspire plusieurs!

INSPIRONS-NOUS DE L’ÉPICERIE COOPÉRATIVE DE MOONBEAM

Les gens se sont regroupés, ont développé, ont investit et ont repris en main l’épicerie qui fermait ses portes… en la transformant en coopérative alimentaire par et pour la communauté

Inspirons-nous de la Maison verte

Il y a 30 ans, quand les mamans chefs de famille à Hearst voulaient se retrouver, elles ont d’abord créé l’Association d’entraide Parmi-Elles… mais dès qu’elles ont choisi de créer leur emploi, elles ont créé la Maison Verte. Une entreprise de plusieurs millions de dollars d’actif, créant 7 emplois temps plein et de 20 à 40 saisonniers et qui a su s’adapter malgré les aléas de l’industrie forestière.

Inspirons-nous de la Nouvelle Scène

Que cela soit 4 compagnies théâtrales professionnelles itinérantes il y a plus d’une quinzaine d’années – qui ont choisi de se doter d’un toit commun,  (1er clic)  de d’un espace de création, de production, de diffusion –  La Nouvelle Scène… et qui maintenant voit à son expansion… (2e clic)

Les gens n’attendent plus…  cette volonté d’entreprendre autrement est en force en Ontario français, au Canada et dans le monde.

Les initiatives de l’économie sociale répondent aux besoins émergents, et l’histoire nous le démontre.

Ce sont des citoyennes et des citoyens,

–       qui ont voulu répondre aux besoins de leur accès au crédit ce qui a mené à la création des premières caisses populaires et maintenant de fonds d’emprunt, de fonds d’appui à l’entrepreneuriat;

–       qui ont souhaité la survie de l’agriculture familiale et qui ont mis en place les coopératives agricoles;

–       qui rêvaient de services de garde  de qualité, sécuritaires et accessibles, qui ont créé des garderies coopératives;

–       qui ont voulu vivre pleinement en français leur culture, qui ont créé des lieux pour créer, produire, diffuser et promouvoir comme La Nouvelle Scène, le TNO, les centres culturels;

–       qui ont créé des espaces pour les retraités et les aîné.es offrant une variété d’activités sociales mais très souvent dans une logique de l’autonomie financière du lieu…

Avec l’éveil individuel et collectif, le désir de s’engager en tant que citoyennes et citoyens responsables et  la volonté de faire partie de la solution, fait en sorte qu’il y a des entreprises collectives qui se créent, se consolident, grandissent dans toutes les régions ontariennes, les villages, les quartiers, les grandes villes…

On sent un nouveau souffle – car cette économie à visage humain propose aux jeunes,  aux immigrant.es, aux femmes, …  aux communautés rurales, à tout le monde qui désire prendre leur avenir en main … des  avenues de développement… car OUI il y a des ratés du modèle de développement dominant – on le voit bien, l’écart grandissant entre les riches et les pauvres persiste, s’accentue et est toujours présent, nos écosystèmes et notre planète en souffrent à cause de toutes ces crises et du manque d’actions concertées responsables pour diminuer notre consommation, notre production, et entreprendre notre développement et notre croissance autrement…  et il y a toujours le manque de stratégies pour favoriser l’intégration socio-économique des personnes marginalisées par le marché de l’emploi!

Aujourd’hui l’économie sociale – cette économie composée d’entreprises collectives qu’elle soit coopérative, mutuelle ou organisation sans but lucratif = elle prend de plus en plus de place dans les dynamiques de développement en Ontario, au Canada et à travers le monde.

  • En Ontario, il y a eu des investissements considérables par exemple de la Fondation Trillium en appui aux entreprises sociales, il y a eu une reconnaissance dans le budget provincial et le dévoilement tout récemment d’une stratégie en appui aux entreprises sociales;
  • Les Nations Unies ont déclaré l’année 2012 l’Année internationale des coopératives;
  • L’Organisation internationale du travail a adopté un plan d’action en économie sociale et solidaire;
  • D’Autres instances des Nations Unies comme UNRISD s’en préoccupent et s’y activent et ont créé un comité de travail;
  • De nouvelles politiques et lois sont adoptées en Corée, au Brésil, en France, en Espagne, en Afrique du Sud  pour promouvoir et soutenir l’économie sociale et les entreprises collectives;
  • Au Québec, une Loi cadre sur l’économie sociale vient tout juste d’être votée – un nouveau pas dans la reconnaissance des entreprises collectives sous toutes ses formes et faisant partie de la structure socioéconomique québécoise…
  • L’OCDE  parle de l’importance grandissante de l’économie sociale, de l’entreprise sociale, de l’innovation sociale au cœur des économies industrialisées;
  • Dans certaines régions canadiennes, il y a des crédits d’impôt si les gens investissent dans les entreprises sociales;
  • Les Jeux Pan Am (Toronto) ont une politique d’achat destinée aux  entreprises sociales;
  • Innoweave (Fondation Mc Connell) avec la collaboration du CCO et du CCRC offre des ateliers virtuels et réels sur le développement des entreprises sociales ainsi que du financement;
  • RCDÉC avec le projet LIAISON et la Constellation rurale des entreprises sociales de l’Ontario ont produit une cartographie évolutive des entreprises sociales et leur impact sur la revitalisation de notre ruralité;
  • Les entreprises sociales ont maintenant accès aux programmes d’appui aux  entreprises privées classiques;
  • Il y a des Chaires d’étude, des Programme de Maîtrise, des formations populaires en personne et virtuelles pour que l’économie sociale et les entreprises sociales deviennent des approches entrepreneuriales reconnues et utilisées,
  • Un peu partout au Canada, des portails de mise en marché des produits et des services des entreprises sociales voient le jour;
  • En 2009, le gouvernement fédéral a mis en place une Commission sur la finance sociale qui a mené à l’appel d’idées en innovation sociale en 2013…  152 idées récoltées très inspirantes, des mécanismes pour mobiliser des capitaux et les investir dans le développement de nos communautés.
  • Depuis peu les coopératives se retrouvent à Industrie Canada et cela est porteur de grands développements.

 

Depuis près de 30 ans je m’investis pour lever le voile sur cette pratique collective économique.  Des occasions comme aujourd’hui, nous permettent d’aller plus loin, d’informer encore plus de monde…

Maintenant, je travaille au sein d’une entreprise collective, le Centre canadien pour le renouveau communautaire, je suis bénévole au Conseil de la coopération de l’Ontario et à la Table ronde de l’économie sociale de l’Ontario, je suis présidente d’une entreprise sociale artistique la Compagnie Vox Théâtre et je m’inscrit dans le Réseau des entrepreneures solidaires – un réseau de femmes impliquées dans des entreprises collectives de par le monde…   je reviens tout juste de la 5e Rencontre de la globalisation de la solidarité, la rencontre de l’économie sociale et solidaire ou j’ai eu le privilège de témoigner de notre expérience et d’apprendre… pour mieux partager à mon retour…

Après tant d’années de travail réalisé par plusieurs…  je peux dire aujourd’hui que je me réjouis de voir toutes ces avancées, de voir que les gouvernements reconnaissent et soutiennent de plus en plus les entreprises collectives au même titre que les entreprises classiques.

De constater qu’au premier forum pan canadien sur l’espace économique francophone, qu’une petite place avait été allouée à l’économie sociale – c’est un début prometteur.

Ici comme ailleurs, nous reconnaissons que l’entrepreneuriat collectif est une voie du présent et d’avenir et qu’il est grandement temps qu’on investisse davantage et qu’on assure un plein accès à des outils, des politiques, des instruments de développement en Ontario français au même titre que pour l’entreprise traditionnelle.

Les entreprises collectives font partie de notre économie francophone et de l’économie canadienne.

L’économie sociale est en plein développement dans une multitude de secteurs – certains qui sont des secteurs traditionnellement occupés par des entreprises collectives et d’autres qui sont le fruit de choix faits par des communautés locales de prendre en charge leur propre développement et répondre par l’entreprenariat collectif à de nouveaux besoins, à de nouvelles aspirations comme par exemple :

  1. Le maintien de services de proximité, notamment dans les milieux ruraux qui est assuré de plus en plus par les entreprises collectives – coopératives alimentaires, service de garde, loisirs, services funéraires, et bien d’autres
  2. La création de services plus humains à la personne, en aide à domicile, coopératives de santé…
  3. Le développement du territoire par l’agriculture biologique et le tourisme social et solidaire qui sont des initiatives touristiques et agricoles qui respectent la communauté et l’environnement et soutiennent l’économie locale.
  4. Les initiatives culturelles qui permettent à notre communauté d’avoir un plus grand accès aux produits artistiques et culturels en français et non pas de la culture dominante anglophone ou américaine de masse.
  5. Plus de 65 % des petites entreprises n’auront pas de successeurs… Pour assurer la relève au sein de ces entreprises et les maintenir en opération, plusieurs les transforment  en coopérative travailleurs actionnaires
  6. Le désir de créer des énergies propres et renouvelables : plusieurs créent des coopératives éoliennes, solaires, …
  7. Vu le grand besoin de créer  divers mécanismes de mobilisation de capitaux et d’investissement responsables que cela soit les obligations communautaires, le financement participatif, les capitaux patients, etc. plusieurs agissent et réalisent des initiatives de la finance solidaire pour rendre plus accessible le financement, l’accès au crédit, …
  8. Vu l’importance de raconter nos pratiques, nos expériences en Ontario français, il serait important de réaliser des projets de recherche pour confirmer des données probantes et ainsi lever le voile sur cette richesse collective qui grandit ici…
  9. Étant donné le grand besoin d’information, de renforcement de capacités, d’accompagnement, il sera important de consolider l’investissement dans les structures intermédiaires qui offrent de l’appui aux entreprises collectives à toutes leurs phases de développement.

 

Pour en savoir davantage sur l’économie sociale : visitez le site Internet du CCO et celui d’entreprisesociale.ca

Voici aussi d’autres ressources.

En conclusion, pour une communauté forte et en santé, il faut mobiliser nos forces vives, collaborer et innover.

Pour une économie sociale forte et en santé, il faut une reconnaissance, des investissements et le plaisir solidairement d’entreprendre ensemble!

Un grand ami m’a déjà dit un jour. et il avait raison…

NOUS SOMMES CONDAMNÉS À RÉUSSIR!  ENSEMBLE! ADHÉRONS AU BULLETIN DE LA CONSTELLATION DE L’ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE DE L’ONTARIO ET DEVENONS MEMBRES DU CCO…   SOYONS DE LA MÊME FAMILLE!!!

Merci

Ethel Côté

Inspirée de Nancy Neamtam, Mike Lewis, Yvon-Poirier, Caroline Arcand, Mike Toye, Chako Cherif, Caroline Lachance, Madani Koumare, Ada Bazan et plusieurs autres… Merci!

  1. Abdellah says:

    Bonjour
    Les grande pays ont commencé par une stratégie basée sur l’économie sociale et solidaire

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